Transcription

[57 r] Paris ce 1 Avril 1775

Aussitot que j’ai appris, monsieur, et tres illustre Confrere, que vous n’aviez point reçu la gratification qui devait vous être envoiée de la part du roi, je n’ai point perdu un moment pour connaître la cause de ce retard. C’etait un pur oubli, occasionné par les changemens du ministere ; et vous recevrez bientot une lettre de M. le Controleur general. Je compte que l’on commencera |aussi| bientot à faire ici une edition de votre Theorie de la maneuvre et de la construction des vaisseaux. C’est après avoir vu cet ouvrage, et avoir lu votre commentaire sur Robins dans une traduction francaise manuscrite que j’ai cru devoir proposer à un ministre ami des sciences et savant lui-même de vous offrir cette faible recompense. Il n’a pas eu de peine a se decider sur mon temoignage appuié de celui de M. D’Alembert votre admirateur et votre ami. Il a jugé come nous qu’un genie tel que [le] votre <appartenait> appartient [57 v] à toutes les nations, parce qu’il fait du bien a toutes, et qu’ainsi il a droit aux récompenses de tous les souverains. J’ai été charmé de trouver cette occasion de vous doner une marque de l’admiration que <m’ont causé vos ouvrages> vos ouvrages m’ont inspirée. Il y a quinze ans que je les étudie, et que je suis |toujours| également etonné de voir tant de profondeur unie à une si inepuisable fécondité. Mais, monsieur et très illustre confrere, peut-être <que> le disciple qui vous écrit cette lettre est-il absolument inconnu. Je n’ose me flatter que jamais mes faibles ouvrages aient été jusqu’a vous, je me <suis> traine dans la carriere ou vous courrez ; voila mon seul titre pour <me> m’approcher de vous. Daignez recevoir mes souhaits pour que vous jouissiez <encore> long tems de votre gloire [58 r] et les assurances de mon respect et de mon admiration puisque la distance où j’ai vecu de vous ne m’a point permis d’avoir d’autres sentimens que ceux qui ont le bonheur de vous connaitre personellement ne peuvent refuser à votre caractere et à vos vertus.

Le Mis de Condorcet.^{1Paraphe soulignant.}