Transcription
[91 r] Cesse donc, je t’en conjure, de te considérer comme ne pouvant que nuire à ce que tu aimes, et excepté tes périls envisage La perte de ta fortune qui est même probable, à L’Epoque où il parait qu’on te Rendra justice, comme un de ces coups du sort qui ne sont point de véritables malheurs à mon age quand on a quelque talent et quelque Raison, et à celui de notre petite puisqu’elle sera élevée dans une situation plus conforme à L’Égalité, et prendra d’exemple Les sages habitudes d’occuppation qu’elle aurait pu négliger dans L’aisance. Jouïs du Bonheur que j’ai de pouvoir te Rendre un peu de ce que tu m’as donné, et t’etre utile jusqu’a La paix. J’ai un Bien grand Espoir que tu arriveras paisiblement à ce moment. On n’a aucune colere contre toi, et Les deux hommes qui te paraissaient plus contraires, Répandent, sachant Le contraire, que tu <est [?]> es en Suisse ; et quoique tes Biens soient arretés comme n’y etant pas, tu n’es pas, du moins ici, sur La Liste des Emigrés, ce qui prouve que c’est ton absence et non ta vie qu’on veut. Reviens donc à L’Espérance qui soutient mon coeur, et m’a Rendu un peu d’Espoir depuis tes dernieres nouvelles. Tu es ingrat de penser que cette miniature n’etait [que] pour toi. Je t’en enverrai d’autres à voir qu’il faudra me Renvoyer dans un mois ou plutôt quand je t’en Renverrai une autre. Ainsi tu en auras toujours et de diverses devant Les yeux. Je fais Le portrait te Ressemblant de sorte que je n’en manque pas. Tu me Renverras La colombe quand je t’enverrai autre chose. Que ne puis je adoucir de toute ma tendresse Les idées douloureuses qui me semblent occupper ton ame plus que jamais. Ecris moi avec un crayon que je t’envoye, et mets un point après chaque mot comme moi pour Epargner mes yeux. Je t’envoye Bas, souliers, <pantalons [?]> pantalons, et voudrais pouvoir t’envoyer tout ce que La petite dit de tendre sur ton absence, comme de prier Les gens qui s’en vont de te prier de venir diner avec elle. Adieu, vis pour ce Bonheur.
[91 v] [Adresse]