Transcription
[54 r] J’ai rendu compte à l’académie de la Lettre que vous m’avés fait l’honneur de m’adresser ; et elle m’a chargé d’avoir celui de vous faire un exposé fidelle de sa conduite, relativement au mémoire de M. Defer. Elle se flatte que cette conduite mieux connûe ne pourra que meriter l’approbation du Roi.
Le mémoire de M. Defer traitte de plusieurs sujets. Un des plus important est l’examen de la méthode de construire des Ponts connûe sous le nom de système des poussées horisontales. C’est une question importante de Statique et de mécanique pratique et l’académie pouvoit et devoit, même en vertu de ses réglements nommer des Commissaires pour l’examiner.
M. Defer cite dans son mémoire plusieurs exemples qui lui paroissent prouver le danger de ce systême des poussées horisontales, et les mouvements qu’il avoit observés dans le Pont de Neuilly sont un de ces exemples. Comme ce Pont a été construit par M. Perronet, membre [54 v] de l’académie, les Commissaires se proposoient suivant l’usâge de le communiquer à cet académicien pour avoir ses réponses aux objections, et dans le cas où ils auroient jugé la visite du Pont nécéssaire, ils ne l’auroient faite qu’après y avoir été autorisés par l’administration.
L’académie désiroit à la vérité qu’un examen qui intéresse la réputation d’un de ses membres fut fait avec l’attention la plus scrupuleuse et M. Perronet désiroit d’avoir l’académie pour juge, et pour examinateurs de son ouvrage des confreres dont il connoît l’equité et les Lumieres.
L’académie n’avoit point à craindre d’exciter des Terreurs dans le public, elle ne pouvoit l’empêcher d’apprendre qu’on avoit dit que le Pont de Neuilly avoit fait quelques mouvements depuis sa construction. Et elle devoit croire qu’il seroit plus rassuré qu’inquiété, en apprenant qu’une compagnie qui a quelques droits à la confiance publique par les efforts qu’elle fait pour la mériter avoit nommé des Commissaires pour examiner les principes sur lesquels le Pont de Neuilly avoit été construit.
Vous voyés par cet exposé, Monsieur, que l’académie a été bien loin de prétendre à un droit d’inspection sur les ouvrages publics, qu’elle s’est renfermée exactement dans les fonctions que ses réglements lui attribuent, qu’enfin elle a fait tout ce qui dépendoit d’elle pour calmer les inquiétudes du public.
[55 r] Vous avés désiré, Monsieur, que le mémoire de M. Defer fût remis entre vos mains. L’académie est dans l’usâge de ne remettre qu’aux Auteurs mêmes, les ouvrages qui lui ont été confiés et seulement dans quelques circonstances ; c’est en partie à cet usâge invariablement observé qu’elle doit la confiance de ceux qui lui présentent des découvertes ou des travaux utiles ; confiance qui l’honore et que l’utilité publique demande qu’elle conserve sans aucune atteinte. D’ailleurs comme ce qui regarde le Pont de Neuilly ne forme qu’une petite partie du Mémoire de M. Defer, l’académie desireroit connoître si c’est le mémoire en entier ou seulement cette partie dont vous lui demandés la communication ; et elle m’a permis lorsque vous aurés bien voulu me faire savoir vos intentions d’avoir l’honneur de vous addresser une copie certifiée, soit du mémoire en entier, soit des observations faites sur le Pont de Neuilly.
J’ai l’honneur d’être &a.