Transcription
[1 r] Paris 1.er juillet 1783.
Monsieur le Marquis.
Il vient de paroître un livre approuvé par l’academïe des sciences. Ce livre contient en deux g.os volumes in folio la description de plusieurs ponts executés, et des projets du Canal de Bourgogne par Dijon, et de la riv. d’Yvette. Je n’entrerai point dans le detail de [ce] que cet ouvrage renferme d’interessant mais les deux dernieres pages du deuxieme volume contenant quelques reflexions sur deux memoires que j’ai lû à l’academïe, j’ai cru devoir observer à cette compagnïe qu’il pourra peut être paroître extraordinaire qu’elle ait donné son aveu [sic] aux reflexions inserées dans ces deux pages, puis qu’elle est interessée à soutenir le rapport favorable qu’elle a bien voulu faire sur l’un de ces memoires, et que n’ayant pu porter de jugement sur le dernier, puis que je n’ai pas eté assés heureux pour qu’il me fût permis de la conserver pour juge, il etoit simple que ce memoire resta oublié. Cependant M. Perronet attaché à des opinions qui m’ont paru hazardées, n’a point craint d’avançer qu’il avoit prouvé qu’avec une somme de cent quatre vingt livres, on pourra reparer le dommage arrivé au pont dont j’ai voulu parler, dommage ajoute cet habile ingénieur, que j’ai presenté comme assés considerable pour meriter de fixer l’attention. En effet si l’academïe a autorisé cette derniere assertion de M. Perronet, c’est avouer facilement que mon memoire ne meritoit aucune attention. Or il est possible que ce soit l’opinion de l’academïe mais il est rare et peut être inoui, qu’un corps prenne un party aussi desagreable contre un auteur qui vient plein de confiance deposer dans son sein ses doutes, et le sujet de ses meditations ; Et n’est il pas à craindre qu’on observe à M. Perronet que si par la somme de 180lt, il n’entend parler que de la quantité de mortier qui est necessaire pour boucher les joints qui se sont ouverts, et les lezardes qui se font essentiellement remarquer dans les timpans de la derniere arche de ce pont, attenant la culée, et dans l’un des murs d’épaulement de la même culée, il n’aye evalué beaucoup trop haut cette même somme. Je prie l’academïe de vouloir bien regarder cette lettre comme une denonciation que je lui fais de ce qui est à reprendre dans l’ouvrage de M. Perronet dont j’ai inutilement cherché le certificat d’approbation de l’academïe dans l’exenplaire [sic] que je me suis procuré ; et qui vraisemblablement a eté omis à l’impression ; afin que le public ne puisse ignorer que lors que j’ai parlé du pont celebre dans le quel j’ai cru remarquer depuis plus de huit années consecutives, des mouvements dont j’aurois eté satisfait d’apprendre la cause, [1 v] si ce n’est pas celle que j’ai annonçée, j’ai eu intention de faire connoître le danger d’etablir les poussées horizontales dans les monuments publics ; Cette question etans assés importante pour meriter d’être discutée avec soin. D’ailleurs cette lettre ne serviroit elle qu’à engager M. Perronet à publier le memoire qu’il dit avoir remis à M. de la Millierre le 8 Mars 1783 dans le quel il expose vraisemblablement les raisons qui l’ont portées à n’avouer que les mouvements des murs en aile du pont de Neuilly, et à faire au contraire ceux de la culée, c’est une nouvelle obligation que m’aura ce celebre artiste de lui avoir donné occasion d’exposer de nouveau combien ses grands travaux lui assurent le suffrage de la Nation, suffrage que j’ai toujours eté plus que tout autre, disposé à lui donner, même au moment ou j’ai osé combattre ses opinions <luxueuses> ; confessant hautement que je suis dans la persuasion que la magnificence dans les monuments publics du genre de ceux dont M. Perronet a illustré sa carriere, c’est à dire dont l’utilité est le seul but, est un mot qu’il faudroit à jamais bannir ces monuments etant toujours assés dispendieux, sans qu’on y ajoute un supperflu qui rend souvent ou leur execution impossible, ou qui empêche l’execution de plusieurs autres egalement importants.
J’ai lhonneur de vous prier, Monsieur le Marquis, de vouloir bien lire cette lettre dans la prochaine assemblée de l’academïe, en lui repetant mon zele, et mon entier devouement ; et de me faire part de sa decision.
Je joins icy la copie des deux dernieres pages du deuxieme volume de l’ouvrage de M. Perronet lorsque l’academïe en aura pris lecture, je la prierai de vouloir bien se rappeler que par mon projet de l’Yvette, independamment de l’aqueduc de Tourvoye, je supprime encore l’exhaussement de l’aqueduc d’Arceüil, ouvrages estimés au detail de M. Peronnet près d’un million, et que je remplaçe ces deux aqueducs par un autre aqueduc pour passer le vallon de la Bievre dont la depense reviendrait au plus à 40 milles livres. Je la supplie egalement d’observer que je n’ai jamais parlé du produit des eaux, et qu’enfin lapprobation conditionelle quelle m’a donnée ne tombe que sur la maniere dont j’ai proposé de faire le revêtissement de la rigole en maçonerie, manière dont je connois plusieurs [2 r] exemples, et qui presente une gde economïe. Ce revêtissement ne devant au surplus être executé que dans le cas ou il y auroit effectivement à craindre que les filtrations n’absorbassent une gde partie des eaux. Jajouterai que je n’ai jamais eu l’intention de supprimer les filtres.
J’ai l’honneur d’être avec la plus respectueuse consideration Monsieur le Marquis, Votre très humble et très obeissant serviteur.
De fer
[2 v vierge]
[1 v vierge]