Transcription
[14 r] Je viens de recevoir, Monsieur, la lettre que vous me faites l’honeur de m’écrire, et je vais essaier de repondre sur le champ aux objections très fondées que vous me faites.
1°. Lorsque l’academie des sciences publie un volume de ses mémoires, il y a un comite dit de librairie qui juge les mémoires qui doivent y entrer quoique l’academie les ait déja jugés. Ce jugement secret ne blesse pas l’amour propre des auteurs, et si l’association avait lieu ce serait le même comité qui jugerait lesquels des mémoires envoiés par les academies de province seraient imprimés de préférence. Ainsi les auteurs seraient traites précisement come les academiciens de Paris même. Ce second jugement est nécessaire par ce que le nombre des mémoires qui peuvent former un volume, la longueur de quelques uns, les livres publiés dans l’intervalle de l’approbation à la publication &c exigent que l’on repasse sur le 1er examen avant d’envoier à l’impression. D’ailleurs sur cet objet, les memoires ne <sont [?]> seraient jamais envoiés que du consentement de l’auteur, et ceux qui dans des cas particuliers croiraient avoir une injustice a craindre auraient le droit de retirer les leurs.
2°. Le titre de correspondant de l’academie serait peut être plus relevé que dégradé par cette association. [14 v] J’ai vu souvent proposer des correspondans très peu <instruits> conus et dire pour raison, mais nous n’avons persone dans <la> cette partie de la France, et cela paraissait sans replique. <Or [... ?]> Avec l’association nous naurions plus de tels correspondans <mais d> et ce titre |ne| serait <[... ?]> plus qu’une récompense pour les talens.
3°. Nos assemblées sont |déja| trop nombreuses, l’academie composée de savans dans differens genres trop désunie pour que une douzaine d’etrangers assistant à nos assemblées au lieu de deux ou trois pût nous gêner. Or ce nombre ne serait gueres plus grand.
4°. Quant a la difficulté que les academies de provinces embrassent des objets etrangers à l’academie des sciences elle me parait aisée à lever, l’academie de Paris ne ferait imprimer dans son recueil que des mémoires de sciences mais le droit de seance a ses assemblées appartiendrait egalement a tous les membres |ordinaire[s]| de celle de province savans ou littérateurs.
5° Le gouvernement est trop éclaire pour prendre ombrage d’une association litéraire, la vertu entoure le throne, d’ailleurs, Mr de Maurepas [15 r] connaît mon projet, l’approuve, et voudra |bien| y concourir lors qu’il sera question de lui doner une sanction legale.
6°. Reste la <dep> préeminence que ce projet donerait a l’academie des sciences de Paris cette objection est nulle, il n’y aurait aucune dependance, c’est une association come celle des anciens parlemens ; vous seriez maitres chez vous, nous n’aurions jamais rien à vous prescrire nous serions chez vous des étrangers admis à vos seances come vous aux notres ; sans voix delibérative, et si nous vous envoions des projets de travail vous resteriez les maitres de les suivre ou de les rejetter.
Votre projet, Monsieur, est fort bon et si celui que je vous ai proposé venait à manquer, il faudrait se contenter du votre, mais vous conviendrez que le premier à l’avantage qu’on peut lui doner une forme réguliere, independante du plus ou moins de concert des savans, au lieu que le votre a besoin de ce concert. D’ailleurs il ne faut en fait de correspondance rien attendre [du] suivi d’un savant à un autre, ni d’un de nos academiciens à une academie de province, au lieu que si l’on remettait [15 v] come je le propose toute la correspondance au secretaire de Paris il aurait un comis <qui> qu’il dresserait <et [?]> come sont ceux des bureaux et la correspondance se ferait d’elle même et sans donner aucune peine.
Voila, Monsieur, ma réponse à vos observations je vous prie de vouloir bien en conferer avec ceux de vos confreres qui connaissent le projet. Nous allons nous séparer ainsi il n’y à rien a faire cette année mais je voudrais que vous voulussiez bien me repondre avant le mois de Novembre afin que sil y a quelque chose a faire, nous le commencions pour lors. Je crois que le mieux serait si l’association vous convenait de demander au ministre la permission de discuter cet objet avec l’academie des sciences, |vous pourriez même vous dispenser de cette formalité,| vous nomeriez un de vos membres de ceux qui se trouveraient à Paris, il discuterait avec un de nos comités, et on ne presenterait les reglemens détaillés aux deux societes qu’après qu’il[s] auraient eté convenus entre votre deputé et notre comité. |Je vous prie de vouloir bien m’avertir quelque tems avant des démarches que vous jugerez à propos de faire.|
Comptez je vous supplie, Monsieur, sur mon inviolable attachement.
|Si vous agreiez ce que je vous propose vous pourriez faire tomber votre choix sur M. l’abbe Bossut qui est de notre academie come de la votre, et qui n’est pas membre du comité.|