Transcription
[1 r] Basle ce 24 fevrier 1785.
Monsieur le Marquis
Je viens d’apprendre que vous avez honoré de quelque attention mes Reflexions sur l’Esclavage des Négres. J’avois fait un voyage à Paris en 1780, un de ces auteurs dont la plume est vendue à quiconque veut la payer, s’avisa de faire l’apologie de cet esclavage ; Je voulus lui répondre dans un journal, et je ne pus en obtenir la permission. Retourné dans mon bon pays ou il n’y a pas d’esclaves, J’ai fait un Livre au lieu d’une Lettre et c’est ce Livre que vous avez daigné lire.
Aucun homme de notre continent n’a plus contribué que vous, Monsieur le Marquis, à rompre les fers que l’Europe [1 v] donnoit à l’Amérique, Peut être la gloire de détruire la servitude que nous avons imposée aux malheureux affricains, vous est-elle aussi réservée. Vous seriez alors le Libérateur de |deux| des quatre parties du monde, et bien supérieur à ce Pompée que l’on a vu autrefois :
Triompher en trois jours des trois parts de la Terre.
Peut être sans la guerre d’Amérique, L’esclavage des Négres auroit-il été détruit d’ici à quelques générations.
Un célébre médecin de Londres, le Docteur Fothergill, avoit formé le plan d’une compagnie qui devoit établir parmi les Négres d’Afrique, la culture du sucre. Il avoit destiné des sommes très considérables à cette bonne oeuvre, qui devoit amener à la Longue la destruction de l’Esclavage. La guerre d’Amérique a empêché l’exécution de ce Projet ; et c’est une raison de plus pour que vous vous occupiez de le renouveller ou d’en former un Meilleur. Il faut qu’une révolution à laquelle [2 r] vous avez contribué, n’ait fait que du bien.
Permettez moi, Monsieur le Marquis, de vous offrir mes foibles lumieres. Dans mes Réflexions J’ai dit aux gouvernemens qui ne m’ont pas écouté, ce que la justice exigeoit d’eux : et j’ai cru devoir m’y borner. Mais j’ai étudié le même objet sous d’autres rapports, et si vous daignez vous occuper de ce grand ouvrage, vous me trouverez toujours à vos ordres.
J’ai l’honneur d’être avec Respect Monsieur le Marquis, Votre très humble et tres obeissant serviteur
Schwartz1Paraphe soulignant.
P. S. Si vous me faites l’honneur de me répondre, je vous prie d’adresser votre Lettre à M. Schwartz à Basle, poste restante.
[2 v vierge]