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Notice
Identification et lieu de conservation
IDC1775
TitreBRULLEY à CONDORCET - 17 juillet 1786 (Paris, Archives de l’Académie des sciences, pochette de la séance du 16 décembre 1786)
Pour citer ce document

Brulley à Condorcet - 17 juillet 1786 (Paris, Archives de l’Académie des sciences / pochette de la séance du 16 décembre 1786)

Document de référenceOui
Statut éditorialNon déterminé
Nature du documentOriginal
Lieu de conservationParis, Archives de l’Académie des sciences
Cotepochette de la séance du 16 décembre 1786
Intervention(s)
Expéditeur(s) et destinataire(s)
Instrument d’écriturePlume trempée dans l’encre noire
Dates
Datation17 juillet 1786
Date de trilundi 17 juillet 1786
Lieux
Lieu d'écriture indiqué par le scripteurQ.er D’Ennery
Lieu d'écriture rétabli ou normaliséEnnery
Lieu d'écriture indexé
Lieu de destination indiqué par le scripteur[Paris, Académie des sciences]
Lieu de destination rétabli ou normaliséParis. Académie des sciences
Lieu de destination indexé
Adresse

M.r Le Marquis de Condorcet S.aire de L’A.die des sciences

Marque(s) postale(s)
Marque(s) postale(s)Non
Papier et cachet
Description sommaire du papier

Bifeuillet in-folio, vergé azuré, filigrané

Pliage d’expéditionPli non cacheté
Textes
Incipit

Les arts et les sciences rapprochent les hommes, de toute les parties du Globe

Transcripteur(s)JH revu NR.

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Transcription

[1 r] Q.er D’Ennery ce 17 Juillet 1786.

Monsieur

Les arts et les sciences rapprochent les hommes, de toute les parties du Globe. Le désir d’être utile, le besoin d’augmenter et de communiquer les connoissances forment entre les pays les plus éloignés les uns des autres une correspondance nécéssaire et satisfaisante. Dans le savant discours prononcé en présence de l’héritier du Trône des Russies, vous avez vous même dévelopé cette importante vérité avec autant d’érudition que d’éloquence. D’après ce, j’ai lieu d’éspérer que vous verréz avec indulgence la liberté que je prends de vous distraire de vos occupations utiles pour vous prier de jetter un coup d’oeuil sur le résultat de mes travaux. Ils ont pour but le bien de la colonie de S.t Domingue et celui de la Métropole ; c’est un motif pour moi d’éspérer qu’ils vous paroitront dignes de votre attention.

Dans le paquet cy joint sont renfermés 1.° De la cochenille créole de S.t Domingue : 2.° des feuilles d’un arbre désigné dans cette colonie sous le nom vague de bois d’Inde. On pouroit lui donner celui d’Epicier de S.t Domingue.

La premiere de ces denrées est généralement connue ; mais il n’en a jamais parue qui fut préparée de la maniere dont l’est celle que vous avéz sous les yeux. Je vous prie Monsieur de remarquer que la partie teignante de l’insecte est réunie et fixée en tablette, son corselet et le duvet cotonneux qui <la> le recouvre forment un résidu aussi imprégné de parties teignantes. Il est facile de prendre [1 v] une idée de la beauté de la couleur que rend cette denrée. Il suffit de mouiller avec de la salive soit la tablette soit le résidu et de les frotter ensuite sur le doigt ou sur tel objet que l’on voudra. Quant aux procédés par le moyen desquels je parviens à donner cette préparation, les détails en seroient beaucoup plus longs que ne le comporte l’étendue d’une lettre. Permettez moi de me référer au mémoire que doit vous remettre incessamment M. le Maréchal de Castries. Il est intitulé, Essais sur la culture du nopal l’éducation et préparation de la cochenille ; il accompagne une boîte qui contient 19 tablettes de cochenilles pesant chacune une once, avec une livre un quart de résidu. M. M. Les <administrateurs> Administrateurs de la Colonie ont reçu le tout et me mandent qu’ils vont le faire passer au Ministre. Celui-ci est prié de le remettre au respectable corps de vrais savans, des décisions duquel vous êtes à si juste tître le dépositaire.

Par l’étendue de ses connoissances et de ses lumieres en tout genre <l’accademie> l’Accademie des sience[s] est en possession méritée de fixer l’opinion publique sur l’éfficacité des travaux de ceux qui cherchent à se rendre utile à la société. C’est à ce tître que je prends la liberté de soumettre à son jugement la cochenille créole de S.t Domingue préparée suivant les procédés nouveaux. Nous les nommons français pour les distinguer de ceux usités chéz les Méxiquains. Je désire que cette nouvelle préparation soit aux yeux de <L’accademie> L’Accademie aussi utile et aussi avantageuse qu’elle l’a parue d’après quelques éxpériences particulieres. Si celles qui seront faites en présence des commissaires donnent des résultats aussi satisfaisants, ce sera un grand bien pour la colonie et pour l’état en général. Il sera glorieux pour mes associés et pour moi d’avoir formé un établissement qui ajoute une nouvelle branche au commerce de France et par suite lui ouvre une nouvelle source de richesses.

Le même bon effet peut résulter avec le temps de l’autre denrée dont est cy joint l’échantillon. Il est vrai qu’elle n’est pas gènéralement connue ; mais ces feuilles ont des propriétés tres éssentielles. Je les ai constatées par des expériences réitérées. Je joindrai ces détails au mémoire que je compte faire sur ce qui concerne l’arbre qui les produit. Le bois est propre à donner une teinture rouge. Je n’ai point encore pu observer cet arbre dans la saison ou il se charge de fleurs et de fruits. <On> [2 r] On m’assure que l’une est d’une odeur tres agréable et que l’autre est une éxcélente épice. J’attends avec impatience l’instant ou je pourrai verifier ces assertions. Qu’elles soient fondées ou non, j’ai pensé que je pouvois prendre la liberté de vous faire part des propriétés des feuilles

Au gout aromatique elles joignent une saveur piquante qui produit un piquotement dans la bouche quand on en mache un morceau. Il excite la salivation et finit par laisser une odeur et une fraicheur tres agréable. Mises en infusion comme le thé ces mêmes feuilles forment une boisson d’un gout flatteur. Elle est un remede prompt et souverain contre les indigestions. Elle fortifie les estomacs foibles. Je lui dois le rétablissement du mien qui étoit totalement délabré par une longue maladie que j’ai essuyée en arrivant dans cette colonie. C’est donc un vrai stomatchique. Des expériences réitérées sont venus à l’appuy de la mienne pour me le confirmer. Cette propriété essentielle des feuilles et celle du tronc suffiroient seules pour rendre cet arbre tres précieux pour la colonie de S.t Domingue.

Ce qui ne l’est pas moins, c’est la découverte que j’ai eu le bonheur de faire d’une plante indigêne de cette colonie. Elle peut nourir les hommes, les cheveaux, les porcs, et la volaille. Ce végétal vraiment utile est dans la classe des liannes. Avec sa racine, qui est communement tres grosse, je suis parvenu à faire de la cassave comme avec le Manioc sans en avoir à craindre les mêmes inconvenients. C’est un vivre d’une ressource d’autant plus grande que cette plante croit en abondance dans les endroits les plus arrides. L’Extrême sécheresse qui dans <certain> certains quartiers de la colonie détruit presque tous les végétaux déstinés a la subsistance des hommes et des animaux ne porte aucune atteinte sensible à cette plante. Elle est même à l’abri de l’effet actif du feu qui dans certains quartiers de S.t Domingue rase communement chaque année les savannes et brulages.

Je me propose de donner une notice exacte de cette plante précieuse quand l’expérience m’aura fait connoître le temps quelle met à se reproduire et les procédés qu’il faut employer pour y parvenir le plus surement et le plus promptement possible alors je prouverai que ce végétal tres vivace est aussi tres précieux [2 v] parce quil peut être d’une grande ressource dans la disette qu’entraine d’ordinaire apres elle la sécheresse ; fleau dont on ressent trop fréquemment les funestes éffets dans la plus grande partie de la colonie de S.t Domingue.

Il seroit à désirer que cette plante put réussir en France. Elle seroit bien utile dans certains cantons. J’aurai lhonneur de vous faire passer la racine, la tige, la fleur et la graine. Vous savéz que les essais utiles peuvent toujours être tentés quand même ils ne devroient avoir aucun succès. C’est aussi ma façon de penser et c’est dans ces vues que je m’occupe avec soins des Richesses aussi multipliées que peu connues du sol que j’habite. Je crois que je serai bientôt dans le cas de [vous ?] faire part des propriétés de deux plantes indigênes de la colonie. L’une teint en très beau Rouge infiniment au dessus de celui que donnent la garance et le rocou ; L’autre donne une teinture jeaune. Il en est une troisieme qui rend une teinture du plus beau brun rouge possible. Ces mêmes plantes peuvent avoir encore d’autres propriétés <[... ?]>. Je compte aussi m’attacher à l’examen des arbres Gommes et résines de ce pays. C’est une partie tres étendue et fort négligée dans cette colonie. Il seroit cependant bien essentiel d’acquérir la connoissance des propriétés de ces utiles végétaux. Si L’accademie daignoit <mon [?]> me permettre de correspondre avec elle sur tous ces differents objets ce seroit une récompense bien satisfaisante de mes travaux et un puissant encouragement à continuer de <vous> m’y livrer.

Quoiqu’il en soit, je vous supplie Monsieur, de me faire connoître l’opinion de ce respectable corps sur le résultat de mes recherches j’apprendrois avec bien de la satisfaction que sa décision m’est favorable. Je vous prie de ne pas obmettre de me faire connoître aussi la votre sur les échantillons qui sont joints à la présente. Le vrai mérite qui vous caractérise me fait bien sincerement désirer de mériter votre suffrage et votre estime.

Je suis avec respect Monsieur Votre tres humble et tres obeissant serviteur

Brulley1Paraphe bouclé.
cller du Roy
ancien substitut du P.r G.al au Conseil superieur du Cap
sur ses terres au Q.er d’Ennery.

P. S. En fermant cette lettre je me rappelle qu’on a récemment trouvé le moyen de teindre la soie en écarlate. Il doit y avoir dans la boîte en question asséz de cochenilles pour teindre la quantité d’étofe de soie nécessaire pour faire un habit au Roi. Pour un prince aussi zelé pour le bien de l’état et convaincu qu’il réside dans l’extention du commerce et la prospérité des manufactures, c’est une jouissance que de porter un habit teint en écarlate suivant la nouvelle méthode française avec de la cochenille française préparée suivant des procédés nouveaux et français. Si cela pouvoit s’éffectuer, ce seroit un sur moyen d’encourager les colons à se livrer a la nouvelle culture.

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Contenu

Evoque « le savant discours [de Condorcet] prononcé en présence de l’héritier du Trône des Russies [Discours sur l'utilité dont la protection des Princes peut être au progrès des sciences (5 juin 1786), IDM 710] ». Y reprend l’idée selon laquelle les arts et les sciences permettent aux hommes de divers pays d’entretenir une correspondance. Lui adresse [à cet égard] deux échantillons servant à la teinture, l’un de « cochenille créole » de Saint-Domingue, l’autre de « feuilles d’un arbre désigné dans cette colonie sous le nom vague de bois d’Inde », mais que l’on pourrait qualifier « d’Epicier de S.Domingue ». Le maréchal de Castries lui remettra bientôt un mémoire au sujet du premier échantillon, qui comporte d’ailleurs suffisamment de cochenilles pour teindre en écarlate un habit de soie destiné au roi. Compte rédiger un mémoire au sujet de l’arbre qui produit les feuilles du second échantillon. La culture de ces feuilles a non seulement un intérêt économique mais aussi sanitaire. Ajoute qu’il souhaite consacrer un mémoire à une plante, qu’il a également découvert, facile à cultiver et pouvant nourrir les hommes comme les animaux. Lui en adressera aussi des échantillons. Se propose de soumettre enfin à l’Ads d’autres travaux sur certaines plantes et arbres de Saint-Domingue. 

Aspect(s) scientifique(s)Oui
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