Transcription
[1 r] 27.° avril 1775.
Vous devez a present avoir reçu les papiers dun infortuné digne detre heureux, et je ne doute ni de vos bontés ni de votre vertu courageuse.
Il est bien triste qu’un ridicule tres dangereux vienne empoisoner les consolations que je ressens. Il faut que je vous parle encore des suittes tres desagreables qu’ont eües la faiblesse et la meprise de M de Tressan. Voila donc deux ratons aulieu d’un ! Et dans quel temps ! Lors quil etait si important de se taire ! Cest pour la troisieme fois que je me vois la victime d’imprudences que je n’ai pas a me reprocher. La lettre de labbé Pinzo, la lettre du theologien, et la temerité du pretendu chevalier de Morton.
Le comte de Tressan a qui jay fait de tres justes plaintes m’a mandé que vous et M D’Alembert, vous aviez beaucoup aprouvé son épitre, et celle de votre chevalier, que vous laviez exhorté a faire imprimer tout cela. [1 v] Je ne puis croire que vous ayez donné un si detestable conseil.
Je conviens que l’epitre de ce Morton est semée de quelques vers détaches fort beaux mais ils ne peuvent servir qua nous susciter des ennemis implacables et a réveiller la rage des anciens persécuteurs. Pour les autres vers de ce Morton ils sont tres mauvais, et c’est me deshonorer que de me les attribuer.
Figurez vous quun chevalier de Cubiere de Palmeseau, fesant des vers, qui demeure aux ecuries de la Reine, vient de mécrire a Mr le chevalier de Morton au chateau de Ferney.
Je serai dans la triste obligation d’écrire pour dêtromper le public. On aurait bien du épargner a ma vieillesse ces desagrements insuportables : mais je dois les oublier en faveur du bien que vous allez faire a ce brave et sage d’Etalonde.
[2 r] Ce nest pas en attaquant maladroitement, et hors de propos la Sorbonne et Vibalier, quun ecossais nommé Morton reussira a faire rendre justice a un picard nommé d’Etallonde. Cette disparate m’accable de douleur.
Reparés la je vous en conjure en fesant entendre raison a Beaumont.
Adieu monsieur mon chagrin est extreme il nest balancé que par mon esperance en vous.
V
[2 v] [Adresse]