Transcription
[48 r] Ce 14 fevrier.
Mon cher et illustre Confrere, c’est avec bien du plaisir que j’ai joint ma voix à celle de mes confreres qui vous ont nommé à la place du grand home que nous régretons. C’etait le seul homage que nous puissions rendre à sa mémoire : et heureusement vos ouvrages et vos talens nous ont permis de rendre cet homage sans blesser la justice. J’ai attendu cet evenement pour vous temoigner toute la part que j’ai prise au malheur que vous avez éprouvé, et que tous les savans de l’Europe ont senti comme s’ils ne formaient qu’une seule famille. Nous <D> avons perdu peu de tems après M. Dalembert dans cette année bien fatale aux sciences. Il avait eu pour moi toute l’amitié d’un pere, et il m’en a donné une derniere preuve en me nommant son heritier, c’est a dire en me chargeant du soin de remplir ses intentions de bienfaisance et de publier ses ouvrages.
J’ai une grace à vous demander mon cher confrere c’est de vouloir bien me faire parvenir le plus tot qu’il vous sera possible des mémoires sur les principales epoques de la vie de votre illustre pere, et la liste de ses ouvrages imprimés à part je connais les principaux puisque j’y ai appris le peu que je sais en mathematiques, mais je voudrais les connaître tous. Donnez-moi aussi des [48 v] details sur son caractere, sur sa maniere de vivre, sur ses opinions, sur les mots remarquables qu’il a pu dire, ne craignez pas d’en trop dire, rien de ce qui appartient à un si grand home ne peut être petit.
Vous recevrez avec cette lettre un volume de recherches sur l’optique que M. l’abbé Rochon envoie pour l’académie impériale. Cette [sic] ouvrage renferme un grand nombre de choses neuves et importante[s], et l’auteur ne serait pas indigne d être votre Confrere à <l’ad>
l’académie de Petersbourg. Si vous pouvez contribuer à lui faire obtenir ce titre, vous me ferez personellement un très grand plaisir. D’ailleurs M. l’abbè Rochon est un des plus zelés admirateurs du grand Léonard Euler et un de ceux qui ont le plus contribué au témoignage du respect que <vous nous> nous vous avons donné à sa mémoire.
Agreez, mon cher et illustre Confrere, les assurances du respectueux et inviolable attachement avec lequel j’ai l’honneur d’être votre très humble et très obéissant serviteur.
Le M.is de Condorcet.1Paraphe soulignant.