Note sur l’établissement du texte : plusieurs mots ont été rétablis au début du f. 2 r, du fait d’une déchirure du papier.
Transcription
[1 r] ce 25 aoust
Continüés, conservés cette bonne disposition et cette excelente intention ; si vous pouvés ratraper du repos et du calme, croyés tenir le bonheur ; helas ! Y en a t-il d autre ? Peut il y en avoir en rendant son existence dependante d’un autre ? Fut il un dieu ce serait trop lui sacrifier ; jouissez bon Condorcet d’un avantage inapreciable, celui d’avoir un grand talent qui doit ocuper votre vie, l’amitié remplira votre ame qui est aussi sensible qu’elle est honête ; et fuyés tout ce qui pouroit faire naitre ou rechaufer un sentiment qui fait presque toujours des victimes des gens vraiment vertueux. Ma santé est toujours detestable, et je n’espere plus qu’elle puisse devenir meilleure, aussi je vais la mettre au nombre des malheurs que je sens toujours, et dont je ne parle jamais ; je suis touchée, sensiblement touchée des marques de votre interet, il aidera a me consoler et a soutenir mon courage, car je vous avoüe que je trouve qu’il en faut beaucoup pour [1 v] vivre, il en faudroit davantage encore pour mourir, on a des liens malheureux, mais ils sont chers et ils font qu’on se devoüe a la souffrance, mais enfin tout a un terme, cette idée est consolante, |et| peut etre en suis je plus près que je n’ose m’en flatter.
Ce pauvre M Dussé s’achemine a sa fin, j’espere que son extrême foiblesse lui epargnera les horreurs d’une mort violente. Je l’ai vu hier il gardoit la maison, mais il compte sortir demain. Je voudrois bien que vous pussiés lire le poeme du bonheur de M Helvetius, ou plus tot la preface de l’editeur c’est un excelent ouvrage, d’un gout exquis, d’une hardiesse adroite et piquante et d’une sensibilité charmante, vingt fois j’ai eu les yeux rempli[s] de larmes. Le poème est informe, c’est un ouvrage d’esprit, mais c’est un defi, ce n’est pas lire des vers, c’est labourer. Vous jugerés tout cela a votre retour, car il n’y a pas moyen de l’envoyer, il n’y en a guere mème de se le procurer ici peu de gens l’ont [2 r] [vu ?]. M d Alembert vous aura dit que aujourdhui [il lira ?] a l’academie une maniere de preface a lhistoire de l’academie, cela ma paru fort bon. Je crois que cela aura du succès. Mr Saurin lit une epitre et Mr Vatelet de la traduction du Tasse. Je nirai point, je ne me sens nul gout pour rien de [ce] qui ne doit plaire qu’a l’esprit. M de Mora est parti, cela me fait un grand vide, j’ai toujours oublié de vous demander si vous aviés reçu sa reponse, car selon ce qu’il ma dit je crains que l’adresse ne fut tout de travers. Adieu travaillés, mais evités l’excès, par ce qu’avant tout il faut se bien porter. N’ecrivés gueres a Ablois, si ce n’est a Mde de Meulan la mere, M.rs d Ablois et de la Vriliere y sont je crois pour six semaines. Mr de St Chamans n’y fera que passer. Je ne sais pas |même| sil y a des nouvelles, M.r Turgot est dans une grande privation depuis votre depart. Il est au-dessus de mes forces de mocuper de ce qui ne me fait rien du tout.
[2 v] [Adresse et marques postales]