Transcription
[7 r] Monsieur le Marquis.
J’avois trouvé dans les lettres dun de mes amis, une voye pour me rappeler a votre amitié, mais préséntément je suis obligé d’en déplorer avec vous, la perte cruelle. Après avoir quitté le Kamtschatka on fit routte pour l’hemisphere sud, et nous coupames la ligne vers les 180° de long. L’objet etoit de reconnoître et de fixer plusieurs points de geographie. Les isles des navigateurs appercues par M. de Bougainville sont les premieres que nous rencontrames. Dés que nous fumes assés prés de terre pour ne plus former de doutes sur la beauté et la fecondité de ces isles, on sentit s’alleger le poid de nos privations ensorte que tout le monde soupiroit pour relacher sur l’une de ces isles, et cest dans l’une d’elles que nous avons eprouvés un malheur affreux <ou [?] peri [?]> dans lequel perirent Mrs Delangle, Lamanon et 5 a Six soldats1[Note d’A. Lacroix :] C’est au cours d’une descente dans l’île Maoura (Archipel des Navigateurs, aujourd’hui Samoa) qu’eût lieu ce massacre.. Ne presumés pas Monsieur, que des legeretés ou des procedés rigoureux dans les conduittes des individus ayent fait naître cette funeste attaque, <et> ny que ces Insulaires usssent en quelque sorte été provoqué à deffendre de justes droits ; rien de plus généreux de plus pacifique, et de plus tolerens que la manière dont nous les traitions, et jamais ils ne quittoient nos vaisseaux, sans etre muni de choses qui leur <etoient> fussent offertes comme present du Capitaine. Ce sont cependant ces memes hommes, qui paroissoient etre nos amis et nous vouloir du bien qui sasirent avec tant de fureur la seule occasion, dans la quelle ils pouvoit nous attaquer avec avantage. Enfin le 11 decembre 1787 fut ce jour desastreux, ils s’emparerent de nos chaloupes, M.r Delangle et M.r de Lamanon <y> perirent a cette attaque et plusieurs soldats ou matelots. Le nombre des Insulaires etoit de 15 à 1800 hommes, rien de leur complot ne paru jusqu’au moment de l’attaque, quils <fire> firent à coups de pierres, ou plutôt de quartiers de rochers. La mauvaise position de nos batteaux etoit évidente ; on ne pouvoit n’y manoeuvrer pour éviter ou ce soustraire à leur attaque et nous regardons encore comme heureux, que nous n’ayons pas perdu beaucoup plus de monde que nous ne lavons fait dans cette journée. Il seroit trop ennuieux pour vous de prendre2Confusion avec pouvoir
? vous engager a donner un moment d’attention a toutes les choses que nous regardons d’un autre œul, parce qu’elles nous <touche> touchent de prés. Je me contentrai de vous ajouter que ces hommes, (de couleur bronzé), sont les plus grands, les mieux faits et les plus martials que l’on puisse imaginer ; la taille moyenne est ici de 5 p 10 à 11 pouces, <j’ai [?]> je n’ai pas vû un individu qui ne soit au-dessus de 5 pieds 3 a 4 pouces, et beaucoup sont au-dessus de Six pieds, étalon de lacademie. Jamais les plus beaux models de lantique ne m’ont paru reunir des rapports plus parfaits et former un tout aussi agreable à l’œil. Ils sont nuds a l’exception dune Ceinture de <parmiers> palmier dont ils ce ceignent les reins ; <et qui> de loing |cet ornement| semble imiter les cotes de mailles de nos Armures. Ils portent generalement une espece de massue faite en bois tres dur, et qui me paroit etre leur arme la plus redoutable. Ils sont extrement bon natataleur, et vous savés ce quils osent tenter avec des pirogues qui semble netre qu’un tronc darbre évidé. [1 v] Vous pouvés appliquer aux femmes de ces isles la description des voluptueuse otaïtiens, de M. de Bougainville. Je craindrois de passer pour <licentieux> licencieux dans votre esprit, si j’entreprenois de vous <parlai [?]> parler de leurs attrais, de lelegance et de la perfection des formes ; des coquetteries toujours variées et toujours plus vives et plus pressantes, qu’elles prodiguoient à des malheureux navigateurs, que la fatigue et lépuisement avoit rendu insensible au plus douces caresses. Nous avons continués nos recherches sur les isles de Bauman, des traitres, des amis de <après un [?] malheur>3D’une main inconnue, au crayon, cette rature a été soulignée. A sa suite, figure un point d’interrogation, de la même main. et nous sommes arivés dans la Baye de Botanique le 26 janvier 1788. L’Escadre angloise qui portoit <cette> la nouvelle colonnie, sortoit de cette Baye le même jour, pour ce rendre au port Jacqueson, qui est à 4 à 5 lieues dans le nord de nous. Elle <trouvant> trouvoit cette Baye peu proprés a etre le <Chef-lieux> Chef-lieu d’un établissement aussi considerable et aussi important, que celui-ci semble devoir l’etre un jour. Nous sommes en communication avec ces messieurs par des deserteurs, que nous leur renvoyons et c’est par cette voye que je compte trouver un moyen de vous adresser cette lettre. Je ne vous parle point des animaux stupides qui portent le nom dhommes sur cette isles. Tout ce que nous avons pu conclure de leur intelligence, de leurs progrès de civilisation &c, ce quils doivent céder le pas aux seinges de Caylan, dans la <chaine> chaîne qui lie <le rapport des> les rapports de la nature. Recevés je vous prie, monsieur le marquis, mes civilités et veuillés les presenter a mons.rs Tillet, labbé Bossu, et Bailly. Je vous demande encore dexcuser ce brouillon de lettre, je suis aveugle, par des <[... ?]> piqures de mouches, dont je suis accablé dans mon triste observatoire, et je vois a peine a me conduire ce matin.
Je suis avec le respectueux attachement que vous me connoissés Monsieur le Marquis Votre très humble et très obeissant serviteur4Cette dernière ligne, ainsi que la signature qui suit, sont de la main de Dagelet.
Le P Dagelet5Paraphe bouclé.
à la Baye de Botanique Nouvelle Hollande
ce 6 fevrier 1788. lat. 34° sud.
[8 r vierge]
[8 v] [Adresse]