Transcription
[1 r] Ce 10 Juin 1767 a Ribemont près de St Quentin en Picardie
Je commençois à être tres inquiet de ne point recevoir de vos nouvelles lorsque Mr Cousin m’adressa ici ou je suis depuis le premier mai la lettre que vous m’avez fait l’honneur de m’écrire. Je suis penetré des marques |<d’amitié>| <d> que vous m’y donnez de votre amitié et du desir de me revoir. Lorsque je serai assez heureux pour pouvoir aller en Italie soyez bien persuadé que le plaisir de vous voir, et de me lier avec votre societé sera mon principal motif. J’espere qu’à son retour Monsieur le Comte de Verri voudra bien me donner de ses nouvelles, Mr le Marquis de Beccaria est trop bon de me savoir quelque gré de lui avoir fait |hommage| de ma derniere dissertation. C’est à moi à le remercier du plaisir que m’a fait son livre, et des connoissances que j’y ai puisé. Quoique je sois Géometre je |ne| suis pas de l’avis de Hallei qui disoit qu’il y avoit bien plus de merite a trouver les loix du sistême du monde, qu’a en donner de <bonnes> bonnes à ses concitoyens. J’avois prié Mr le Comte de Verri de remettre à son ami notre ordonnance criminelle et notre code [1 v] pénal afin qu’il puisse juger par lui même de la bonté et de la douceur de nos loix. Voici ce que je pense de la découverte dont vous me parlez. Les differentielles <qu> reductibles à la quadrature ou rectification des sections coniques, sont celles que par des substitutions on peut réduire à ne contenir <que [?]> qu’un radical de la forme , on peut par une nouvelle substitution changer ce radical en un autre . Cela posé il est clair que l’intégrale ne peut être qu’un logaritme plus une quantité algébrique, et que etant <étant> egale à1Dans la formule suivante, Condorcet a substitué x à z ; le symbole l
y désigne la fonction logarithme népérien. , on pourra trouver une substitution qui <etant [?] d> soit telle qu’il n’y reste plus de radicaux dans la partie de l’intégrale qui sera sous le signe logaritmique, Je crois donc la decouverte de votre ami très possible quoiqu’il y [ait] sans doute des cas ou l’on ne puisse absolument délivrer l’équation de radicaux mais les radicaux se trouveroient dans la partie algébrique de l’équation ou il ne seroient plus si embarassans. [2 r] Si j’etois à Paris Je vous manderois des nouvelles toutes des plus belles de la censure de Bélisaire des quarante six propositions répréhensibles qu’y trouve la Sorbonne. Je suis parti a tems car nos docteurs ont mis si peu d’honêteté, et tant d’acharnement dans leurs procédés qu’il ne m’auroit plus été possible de ne pas me mettre en colere malgré le peu de cas que je fais du fond de la querelle. Mr de Marguerit prépare un beau livre qui sera dit-il plein de choses étonnantes. Si ce sont les choses dont il m’a parlé, elles sont réellement extraordinaires, mais il y a beaucoup que je ne crois pas vraies. Mr d’Alembert va donner deux volumes d’opuscules. J’ignore ce que fait Mr de La Grange il a trouvé il y a quelque tems une solution generale du problême des Tautocrones. Adieu mon tres cher ami, je vous embrasse tendrement et desire ardemment de vous revoir. Comptez sur mes sentimens pour vous ils dureront autant que ma vie. Parlez, Je vous prie,[2 v] de moi, a Monsieur le Comte de Verri lorsque vous lui <écrirai> écrirez et temoignez à Mr son frere et au Marquis de Beccaria le regret que j’ai de ne les connoitre que par leurs écrits. Adieu encore une fois. Donnez-moi de tems en tems de vos nouvelles, on ne peut vous être plus tendrement attaché que je ne <le> vous le suis.
de Condorcet2Paraphe soulignant.