Transcription
[252 r] La Rocheguion ce 5 octobre.
Recevez mes excuses, monsieur et très illustre confrere, d’avoir eté si longtems sans vous répondre. Mes occupations des affaires et des voiages m’en ont empêché. L’academie m’a chargé de vous presenter ses remercimens du present que vous lui avez fait. Daignez agréer toute ma reconnaissance de l’exemplaire qui m’est destiné.
Nous meprisons trop la méthaphisique en France. C’est une veritable science d’observation comme l’histoire naturelle, et je suis convaincu qu’elle peut faire des progrès et que nous avons pris trop a la lettre ce que Locke a dit des bornes de l’esprit en ce genre. Nous ne saurons jamais tout sur rien, mais il me semble que chaque generation peut en tout genre acquerir <quelque connaissance> quelques connaissances de plus, et que ce progrès ne doit avoir aucune borne.
Je trouve aussi qu’on dedaigne trop en France la méthaphisique de Leibnitz. Je n’ai jamais pu comprendre que l’ame fut le résultat de l’organisation. Il me semble que l’unité du moi est une espece de verité premiere qui ne peut s’accorder avec ce système. Celui des monades quoique vague et obscur me paraît plus d’accord avec les faits.
Vous voiez que quoique beaucoup plus pirrhonien que vous je ne suis pas tout à fait indigne de vous lire.
[252 v] Je suis ici pour le reste du mois avec Me la Duchesse d’Enville et sa famille. Tous me chargent de les rappeler dans votre souvenir.
Agreez, monsieur et très illustre confrere les assurances de mon inviolable attachement et de mon respect
le M.is de Condorcet.1Paraphe soulignant.
[253 r vierge]
[253 v] [Adresse et marques postales]