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Notice
Identification et lieu de conservation
IDC2606
TitreGeorges Louis LE SAGE à CONDORCET - 18 mars 1779 (Genève, Bibliothèque de Genève (site Bastions), Ms. suppl. 517, f. 248-251)
Pour citer ce document

Le Sage, Georges-Louis à Condorcet - 18 mars 1779 (Genève, Bibliothèque de Genève / Ms suppl. 517, f. 248-251)

Document de référenceOui
Statut éditorialLettre retenue
Nature du documentCopie corrigée
Lieu de conservationGenève, Bibliothèque de Genève (site Bastions)
CoteMs. suppl. 517, f. 248-251
Intervention(s)
Expéditeur(s) et destinataire(s)
Instrument d’écriturePlume trempée dans l’encre noire
Dates
Datation18 mars 1779
Date de trijeudi 18 mars 1779
Travail de datation achevéNon
Papier et cachet
Description sommaire du papier

Bifeuillet in-4° dans lequel est inséré un feuillet in-4°, suivi d'un feuillet in-4° : vergé écru, filigranés.

Référence(s)
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Textes
Transcripteur(s)JH. revu NR.

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Transcription

[248 r] De Genève, le 18eme Mars 1779.

Madame

Quand je suis appelé à écrire la moindre chose, sur la nature ou sur la cause de la Pesanteur ; les idées se présentent en si grande abondance, que je ne sais où m’arrêter. Pour éviter cet inconvénient aujourd’hui : Je vais me borner à répondre phrase par phrase, aux Réflexions de Mr le Marquis de CONDORCET sur cette matiére ; sans me permettre la moindre excursion, sur ce qui n’est pas directement rélatif à ces Réflexions.

1. Mr De CONDORCET avouë : Qu’il a beaucoup de repugnance à croire, à l’existence des Fluides qui ne tombent sous aucun de nos sens.

Réponse. Mais : À moins d’admettre, qu’il y a des Effets sans Cause, ou du moins sans Cause matérielle immédiate1Note de Le Sage : Avant de recourir à une Cause surnaturelle : Il faut ; non-seulement, avoir reconnu l’Insuffisance des Causes naturelles qu’on connoit ; mais encore, s’être assuré, que l’Esprit humain n’en pourra jamais découvrir (de suffisantes). [Alinéa] Ire des Notes sur l’Article VIII des Pensées de PASCAL, selon l’Edition de 1778. [Alinéa] P. S. On attribuë ces <notes> Notes, à Mr De CONDORCET. » ; on est bien obligé d’admettre l’existence, de quelques Matiéres qui ne tombent sous aucun de nos sens. Par exemple, d’une Matiére magnetique : Puisqu’il est de la nature même du Magnetisme ; de n’agir sensiblement que sur les Corps ferrugineux : Et que nos Sens ne sont pas de ce nombre.

Que dans la Physique experimentale proprement dite ; on ne pousse pas plus loin les Conséquences, qu’à ce que nos Sens nous manifestent immediatement : À la bonne heure. Mais ; à moins de bannir entiérement, toute Physique rationnelle, toute confiance en l’Analogie par exemple : Il faut bien se résoudre, à croire l’existence, de quelques Matiéres qui ne frappent pas immédiatement nos Organes. Les Sens, sont, il est vrai, la seule source primitive de nos Connoissances : Mais la Raison, peut quelquefois, en édifier <quelques-uns> quelques-unes, sur les Fondemens qu’ils lui ont fourni.

2. … dont aucune Expérience, ne prouve la réalité ; …

Rép. À moins que cette Clause, ne soit une pure répétition de la |phrase| précédente : Je présume qu’elle fait allusion, à quelques Fluides imperceptibles ; dont l’existence auroit au moins en sa faveur, les Conséquences rigoureuses de quelque Fait ; Avantage, dont l’illustre Auteur pense sans doute que mon Fluide gravifique est privé.

Mais : Comme de telles Conséquences, supposent nécessairement une autre Premisse que le simple Fait ; une Analogie par exemple, ou une Exclusion de toute autre Explication : Et que mon Explication de la Pesanteur, posséde éminemment ces Avantages (comme on peut le voir dans le 2d chapitre de l’Essai de Chymie méchanique) : Je ne puis souscrire à cette Décision.

[248 v] 3… & que les Physiciens n’admettent, que parce qu’ils les trouvent commodes pour expliquer, d’une manière vague, certains Phénomènes.

Rép. Je conviens : Qu’un Fluide ; dont l’existence n’auroit point d’autre Preuve, que son Aptitude à expliquer certains Phénomènes ; seroit bien peu vraissemblable. Mais : Si aucun autre Fluide ne peut les expliquer : Alors ; il aura toute la vraisemblance, de la Proposition physico-metaphysique qui porte ; que ce sont des Agens matériels, qui opérent immédiatement tous les Phénomènes naturels des Corps. Or : Mon Méchanisme de la Gravité, est assurément dans ce cas (voyés le même Chapitre). Et je borne mes prétentions, au suffrage des Philosophes qui admettent la Proposition générale que je viens d’énoncer : Celui des Sceptiques ou des Superstitieux, qui la nient, ne me tente point.

Je ne dis rien de la Clause ; d’une maniére vague. Parce qu’elle ne peut point regarder mes Explications (voyés toujours le chapitre cité, & les Additions qui y sont relatives).

4. Quand on expliqueroit, par le mouvement d’un Fluide, la Loi précise de la Pesanteur : Comme il faudroit ensuite expliquer la Cause du <mouvement> Mouvement de ce Fluide : On n’auroit rien gagné.

Rép. La Route de chaque Corps céleste, résulte de deux sortes de Mouvemens : L’un, très grand, nommé projectil, anciennement imprimé une seule fois ; les autres, très petits, nommés centripetes, perpetuellement renouvellés. Deduire ceux-ci, de Mouvemens qui soyent de la même espéce que celui-là ; de façon, qu’il n’y en ait plus de primitifs, que d’une seule espéce ; & même de l’espéce la plus simple (savoir, des Mouvemens uniformes, aux accidens près) ; Ce n’est certainement pas, n’avoir rien gagné en Physique. C’est ensuite aux Cosmogonistes ; qu’il appartient d’assigner l’origine des Mouvemens uniformes & anciens.

N’avoir pas tout achevé ; n’est point l’équivalent de n’avoir rien gagné. Les Sciences physiques, n’ont fait de solides progrès ; que depuis qu’on a eu la sagesse de savoir appuyer longtems sur un Pas, avant que de s’occuper du Pas suivant. Et dans la Doctrine de la Pesanteur en particulier : Les Loix qu’elle observe sur la Terre & dans les Cieux, n’auroient peut-être pas été aussi bien établies ; si les deux grands hommes auxquels nous les devons, avoient partage leur attention, entre la Recherche de ces Loix, & celle de la nature ou de la cause de cet important Phénomène.

D’ailleurs : Seroit-ce n’avoir rien gagné dans la Méchanique spéculative (où l’on s’occupe si souvent des Questions purement curieuses) ; que d’avoir discuté un Mechanisme, dont les Effets inévitables, sont absolument semblables aux Phénomènes de la Gravité ?

5. Il faudroit bien prendre ce parti (d’expliquer que la Pesanteur par le mouvement d’un Fluide) ; si l’existence du Fluide étoit prouvée.

Rép. Je repète : Que l’existence d’un Fluide gravifique en général ; est prouvée, par [250 r] l’Analogie2Ce mot et son article figurent aussi, comme réclame, à la fin de la page précédente. de la Gravité avec plusieurs Phénomènes produits incontestablement par des Fluides : Et que j’établis les Déterminations de ce Fluide, exclusivement à toutes autres ; en remontant rigoureusement (de dix ou douze façons ; dont on peut voir trois ou quatre dans le susdit Chapitre) des Phénomènes à la Cause. Il faudra donc bien ; que mes Lecteurs, prennent le Parti d’admettre mon Explication.

Je dis, mes Lecteurs seulement. Car, quant aux Physiciens qui ne m’auront pas lû ; il n’est point surprenant, qu’ils persistent dans les mêmes préventions : Ce seroit compter sur plus de sagesse, qu’on n’en trouve ordinairement chés les hommes ; que d’espérer de ces Physiciens-là, qu’ils sauront suspendre leur jugement sur ce qu’ils ignorent.

6… Se procurer par là le plaisir, d’avoir à expliquer des Phénomènes.

Rép. Ce n’est point pour procurer au Physicien, le plaisir d’expliquer des Phénomènes ; qu’on introduit des Fluides différens de ceux qui affectent immédiatement nos Sens : Mais c’est, pour fournir la Nature, telle que nous la connoissons d’ailleurs, d’un <moyen> Moyen de produire ces Phénomènes ; sans s’écarter de sa grande route, l’Impulsion (ou l’action des Corps là où ils sont, nécessitée par l’Impénétrabilité) : & par conséquent sans avoir recours à une Voye absolument fantastique, l’Attraction sans-moyen (qui seroit une action non-nécessitée des Corps, là où ils ne sont pas).

J’entends ici par fantastique ; une Fiction sortie du cerveau creux de quelques Scholastiques ; qui eurent la sottise de penser, que certaines Actions à-distance se produisoient sans intermède, parce qu’ils n’appercevoient pas cet Intermède. Entrainés qu’ils étoient, par le Sophisme du Vulgaire, que le Chancelier BACON nomme Idole de la Tribu ; lequel consiste, à ne tenir aucun compte de ce qu’on n’apperçoit pas.

7… des Phénomènes plus compliqués (le Mouvement de ce Fluide).

Rép. Loin que, le Mouvement du Fluide gravifique, soit plus compliqué que la Gravité même : Il est, au contraire, beaucoup plus simple qu’elle. Car : Les Chocs, sensiblement simultanés, d’un nombre fini de Corpuscules gravifiques, sur une même Particule grave ; sont beaucoup plus simples à concevoir ; que les Tendances (prétenduës) rigoureusement simultanées, de cette Particule, vers une (prétenduë) infinité de Points mathématiquement différens.

8... Personne n’a jamais dit : On explique le Phénomène de l’Ascension de l’eau dans les pompes aspirantes ; en supposant qu’il existe un Fluide, mû d’une certaine maniére : Donc, ce Fluide existe.

Rép. Si l’on ne l’a pas dit : Ce n’est pas, qu’il ne fut très conséquent de le dire ; pouvû qu’on eût prouvé, qu’aucune autre Constitution de ce Fluide, n’auroit pû produire le même Phénomène. Mais, c’est ; parce que ç’auroit été violer les Régles de la bonne Méthode ; qui défend de prouver par un circuit long & subtil, ce que l’on peut établir sans tant de façons & mettre à la portée de tout le monde. Aulieu que, cette même Méthode, permet (& prescrit même) d’employer des Preuves composées & recherchées, quand on ne peut pas en obtenir d’autres ; plutôt que de rester dans l’inaction, & par conséquent dans l’ignorance. Bien entendu : Que le Physicien redoublera d’attention ; pour qu’il ne se glisse |aucun Paralogisme, dans ces Chaines longues & entrelacées|.

[250 v] <aucun Paralogisme, dans ces Chaines longues & entrelacées.> <Et que les Directeurs qui nous assignent3Un ou plusieurs mots oubliés à la suite ? Tâches, redoublèront leurs Encouragemens à proportion. À proportion dis-je, que cette Dialectique, est plus sublime & plus épineuse que celle des Faiseurs d’Expériences & celle des simples Mathématiciens.>

Si je renvoye perpetuellement Mr De CONDORCET, au 2d Chapitre de mon Essai de Chymie méchanique, ainsi qu’aux Additions & Corrections imprimées dans la même Brochure : C’est parce que je vois, par un mot de son Ecrit, qu’il <là4Ou « l’a ».> la connoit déja. Car d’ailleurs : Ce Chapitre (écrit il y a vingt [et] un ans) & ces Additions (écrites il y a vin[g]t ans) ; manquent souvent d’ordre, & quelquefois d’exactitude <pour [?] [lacune] à la Propagation de mon Système,>

<cependant> Cependant : Je n’insiste pas, pour qu’il daigne les lire enfin, & avec l’attention convenable. Non ; que je ne sente tout le prix & le poids d’un suffrage tel que le sien ; puisque (independemment de ses talens superieurs & de ses vastes lumieres) sa grande celebrité & sa position avantageuse, lui donnent une Influence considérable, sur la Reputation des Doctrines dont il daignera entretenir le Public. Mais : C’est que je ne veux point le forcer, à s’occuper de choses pour lesquelles il a de la repugnance. Et en general : |Pour parvenir à la Propagation de mon Système ;| j’ai renoncé à cette Route lente & pénible, qui consistoit à gagner un à un quelques Individus.

C’est déja beaucoup : Que j’aye obtenu de <lui> ce Gènie distingué (sans doute à vôtre considération), quelques courtes Réflexions sur ce genre de Recherches en général ; aulieu du silence ou des sarcasmes, qu’on se contente souvent d’opposer à ce qu’on regarde comme des Chimères : Et qu’il ait même accompagné ces Réflexions, d’Expressions trop obligeantes sur mes foibles talens mathematiques ; sans doute afin de calmer la Douleur que me feroit éprouver l’extrême Eloignement qu’il témoigne pour mon Systeme. <Non ? Pour l’admettre son Eloignement |[... ?]|> |Je n’entends pas par ce mot Eloignement, celui que temoigne Mr De Condorcet pour admettre ce Système ;| puisque je ne puis point être <affligé> humilié, de ce qu’il n’admet pas, <ce> une Theorie qu’il ne connoit pas : Mais, son Eloignement pour se mettre à <la> portée de le juger ; lui, qui auroit pû être un Juge si competent.

P. S. Je ne puis m’empêcher de revenir encore, sur cette étrange Repugnance à admettre des Fluides inobservés. Seroit-ce ; de peur d’augmenter la quantité, de la Matiére en général qu’il y a dans le Monde ? Mais : comme j’ignore completement ; si la Nature aussi, a quelque Repugnance à admettre des Fluides inobservables ; ou si en général, elle a quelque predilection pour l’Etenduë penetrable, plutôt que pour celle qui est impenetrable : J’attends de l’un de ses Confidens, qu’il m’apprenne les Motifs d’une telle Prédilection. LEIBNITZ lui en prêtoit une toute contraire ; d’où il concluoit (très mal à propos, |il est vrai|) l’existence du Plein parfait.

Il ne me paroit pas ; que les autres Physiciens ou Astronomes, témoignent la même Répugnance, à créer de la Matiére au besoin ; dans les occasions où cette Repugnance seroit aussi bien placée. Quand, par exemple, il s’agit d’expliquer pourquoi ; la Deviation du Fil à plomb vers Chimboraço ou vers Schehallien, s’est trouvée plus petite qu’à raison du volume de ces Montagnes comparé à celui de tout le Globe terrestre : On n’hésite pas ; à doubler ou à tripler la Densité, des Parties [249 r] cachées5Ce mot figure aussi, comme réclame, à la fin de la page précédente. de ce Globe. Et pour peu, qu’une seule & même Comete, repugne à passer par tous les Lieux où l’on venoit d’en observer une : On juge tout de suite ; qu’une partie de ces Observations, doit être rapportée à une autre nouvelle Comète encore.

Quant à mes Corpuscules gravifiques en particulier : En les introduisant dans le Monde ; je ne fais guéres autre chose, que de lui rendre d’une main, la Substance que je lui avois ôté de l’autre quand j’avois si fort évuidé les Graves. Je ne mets donc en avant ; qu’un changement de Distribution dans la Somme totale de la <Matiére> Matiére : Or ; combien ne permet-on pas de tels Changemens, à tous les Physiciens ?

Mr De CONDORCET dira peut-être : Que sa Repugnance, tient, à l’Imperceptibilité de ces Corpuscules : Parce que la Nature, produit plus volontiers des Corps qui tombent sous nos Sens, que des Corps qui leur échappent. Mais : Il est evident ; que le Fait n’est pas vrai ; & que d’ailleurs la portée immédiate des Sens de l’Homme en particulier, est une Consideration tout à fait étrangére à la Constitution generale du Monde.

Il ne reste donc aucun Sens raisonnable, qu’on puisse donner à cette Repugnance ; que celui dont j’ai déja touché un mot : Savoir ; la Difficulté de s’assurer de la Realité d’un Fluide, quand il ne frappe pas immédiatement nos Sens. Or, je repete : Que cette Difficulté n’étant pas une Impossibilité, pouvû qu’on reconnoisse la solidité de l’Argumentation par l’Analogie ; & pouvant alors être vaincuë, par le moyen des Exclusions bien conduites : Elle ne doit point rebuter les Philosophes, qui désirent sincérement l’accroissement de nos Connoissances.

Encore un mot là-dessus. Avant qu’on eût concentré une grande quantité de Fluide electrique en un petit Espace, où il se manifeste aux yeux & à la peau par une Etincelle ; & qu’on l’eût opposé à lui-même dans l’intérieur de nôtre Corps, où il nous fait éprouver une Commotion : Il n’en existoit pas moins, assurément. Voilà donc l’Exemple d’un Fluide ; qui étoit très réel, quoiqu’il échappât à tous nos Sens. Attendrons-nous donc toujours ; que ces Organes extérieurs, nous ayent instruit immédiatement de l’existence de pareils Fluides ? Tandis que nous avons un Organe intérieur (le Cerveau) ; qui nous a servi admirablement bien en plusieurs rencontres, pour tirer des Conséquences rigoureuses : |Consequences, souvent| beaucoup plus éloignées de leurs Principes ; <que> que |ne le sont des leurs|, celles par lesquelles je détermine les Affections du Fluide gravifique.

On pourroit même dire : Qu’une Quantité donnée de Matiére, coûte moins à la Nature ; sous la forme d’un Fluide extrêmement subtil, que sous celle des Corps plus grossiers. Parce que, dans le premier Cas ; elle n’a pas besoin de faire autant de Depense, en Moyens de produire la Cohésion ; quels que soyent ces Moyens : Pouvant même servir pour cet objet ; d’Atomes primitifs, aulieu d’Assemblages quelconques.

[249 v] Vous avés beau, Madame, me regarder comme un homme de l’autre monde uniquement. Je ne suis pas enfoncé si avant, dans les Espaces ultramondains ; que je ne sente encore tout le prix, de certains Objets qui ornent ce bas monde ; & que je ne sois fort touché, de l’affection dont il continue à m’honorer.6Le texte s’interrompt ici.

[251 r]7Le texte de cette page est présenté, à sa tête, par une mention de la main de Le Sage : Partie non envoyée ; de la Reponse que je fis le 18me Mars 1779, à la Lettre de Mme la Duchesse d’Enville du 3me Mars, où etoit un grand Morceau ecrit au nom de Mr le Marquis de Condorcet. J’ai souri, Madame ; de la Fiction que forge sans doute8Note de Le Sage : Il n’est pas conforme à la Marche ordinaire de l’Esprit humain : Que les Doutes & Enquêtes sur la réalité d’un Fait ; <partant> partent justement de quelcun, dont ce Fait favorise les Opinions : Surtout ; quand il voit donner unanimément dans le panneau, les Savans même les plus habiles dont ce Fait sembloit renverser les Théories. Dans cette note, le quelcun fait directement référence à Bertier (cité à la fin du paragraphe), Cartésien de Paris, qui a tout intérêt à ne pas remettre en question la réalité d’un Fait qui favorise ses Opinions. Mr De CONDORCET, d’un Cartésien de Paris : Qui auroit fait les mêmes Perquisitions que moi ; sans avoir eu, comme moi, l’attention d’en informer le Public, pour le désabuser : Mais auquel, cependant, le Sécretaire de l’Académie, auroit eu soin de renvoyer (sans le nommer, ni sans indiquer où l’on pourroit trouver le récit de ses Enquêtes) ; plutôt qu’à un Correspondant de la même Académie, qui avoit publié une Piéce réguliére sur ces Perquisitions, faites en grande partie par un autre Correspondant de ce respectable Corps : Piéce, qui a réellement opéré l’effet qu’ils en attendoient, sur les Esprits qui avoient été abusés ; au nombre desquels étoit l’Academie elle-même (voyés l’Extrait littéral de ses Régi[s]tres, publié en 1771 dans l’Imprimerie royale, à la tête du 4me tome des Principes physiques du P. BERTIER.

Mais, je lui pardonne ce petit Tour-de-gibecière ; en faveur du sentiment qui l’a dicté : Je veux dire, son amitié pour Mr D’ALEMBERT ; qui l’a empêché de tenir la balance bien égale, dans une occasion où j’étois en concurrence avec ce grand homme. Car, la Piéce où je dévoilois la Fausseté des Expériences en question ; rappelloit trop clairement une autre Piéce (publiée dans un Journal peu connu des vrais Physiciens) ; où j’avois eu la maladresse, de travailler originalement sur un Sujet, que Mr D’ALEMBERT avoit déja ébauché à sa façon, & que j’aurois dû prèvoir qu’il seroit bien aise de remanier un jour.

Mais, il ne m’entra pas dans l’esprit : Qu’une Gloire aussi solidement établie que l’est celle de Mr D’ALEMBERT ; eut encore besoin d’un Monopole sur ce petit <objets> objet. Et je me figurai : Que puisque je rendois bien justice, à la priorité & à la solidité du Dénouëment qu’il avoit trouvé aux résultats de ces Expériences prétenduës ; lui & son ami, me rendroient aussi justice dans l’occasion, sur la diversité & la solidité de ma Solution des Doutes.

Aulieu qu’ils ont gardé, l’un & l’autre, un silence singulier, dans toutes les occasions ; soit sur cette Solution, soit même sur la Piéce qui la rappelloit. Esperans sans doute : Qu’alors ; les Physico-Mathématiciens ne s’aviseroient pas, d’aller, déterrer cette Solution mathématique, dans le petit Journal du Fabuliste AUBERT ; consacré presqu’uniquement à la Littérature superficielle, & un peu à de vagues bavardages d’une Physique entiérement décriée.

[251 v]9En tête de cette page, on lit la mention suivante de la main de Le Sage : J’ai envoyé à Mr Deluc ; copie du Morceau ci-derrière [i. e. f. 251r], dans ma grande Lettre de Mai & Juin 1779. Et j’ai accompagné cette Copie, des Reflexions suivantes. Pas plus que la Partie non envoyée du Morceau ci-derrière, les Réflexions en question ne font donc pas partie de la lettre adressée à la duchesse d’Enville (et à Condorcet). Quand un homme peu connu, injustement & publiquement vilipendé par un Ecrit accrédité ; s’en plaint tout doucement, & seulement à une Amie commune, comme d’une simple Legereté : Et que cet Ecrivain ; aulieu de profiter de la Porte commode qu’on lui ouvre de la sorte, pour avouër son tort sans flétrissure ; aime mieux inventer un grossier Mensonge, pour se dispenser d’une Réparation. Il devient violemment suspect, d’avoir commis cette Faute à dessein. Surtout ; si l’on sait d’ailleurs, qu’il lui convenoit de la commettre ; c’est à dire, de donner au Public, une Opinion désavantageuse de cet Homme peu connu : Par exemple ; pour qu’on ne fût point tenté, d’aller chercher dans le recoin d’un Journal (peu estimé dans le genre dont il s’agit), une Pièce où cet Homme alloit sur les brisées de l’Ami juré du dit Ecrivain.

Vous serés curieux, sans doute d’apprendre ; quelle Sensation aura fait sur Mr De CONDORCET, ma Réponse à ses Préventions inconsidérées, contre les Méchanismes naturels imperceptibles en général, & contre celui en particulier par lequel j’explique la Pesanteur. Mr CRAMER-Wesselow, à qui je l’ai demandé à son retour de Paris, m’a répondu : Que le Sécretaire de l’Academie, auroit trop affaire ; s’il vouloit examiner tous les Systèmes qu’on lui présente : Que cependant, en considération de mon mérite (peut-être avoit-il dit, de Mme la Duchesse) ; il me répondroit en abrégé : Mais, que ce ne seroit ; qu’après la publication d’un Ouvrage auquel il travaille .

Je l’avois dispensé formellement de cette Corvée. Mais : Ou il n’a pas même daigné lire de ma Lettre, jusqu’à cette <P> phrase-là : Ou il a mieux aimé pousser la franchise jusqu’au bout ; que de se prévaloir de cette Dispense ; pour prétendre, que si je ne la lui eusse pas intimée, il m’auroit répondu tout de suite & tout au long. Quand on se picque de cette espéce de Franchise avec quelcun ; on n’a pas droit de trouver mauvais, qu’il publie litteralement nôtre Correspondance : Et c’est aussi ce que je ferai ; mais, sans nommer la Duchesse : Le Public, jugera de nos Procédés & de nos Raisons.

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