Transcription
[1 r] Agde le 26.e 7.bre 1787
Messieurs
Ayant vû par le journal de Paris du Samedi 16 juin N.° 24 que l’academie des Sciences proposait un prix à celui qui donnerait les moyens de préparer les Couleurs sans que le Broyeur fut incommodé.
Voici de qu’elle manière je me suis garanti de ce facheux inconvénient.
J’avais environ quinze ans, lorsque mon père m’apprit à préparer les couleurs. Mon temperament ne pût Longtems supporter l’odeur de ces couleurs ; et voyant qu’en continuant de les Broyer j’aurais péri infailliblement, il se resolut de m’envoyer à L’academie Royale des <[... ?]> Arts à Toulouse, où1Perny aurait dû barrer ce mot. [1 v] d’où je revins après y avoir resté quatre années. Pendant ce tems-là la maladie interieure que j’avais disparut ; & me portant bien ; je repris mon ancien ouvrage c’est à dire Broyer les couleurs. Au bout de trois mois ou environ que j’eus travaillé, je me sentis saisi de la meme maladie que j’avais auparavant. Le mal dont je me plaignais était une colique presque continuelle suivie de grands vomissemens je restais les huit jours sans pouvoir travailler d’aucune manière ; les remèdes des medecins bien loin d’adoucir mon mal ne faisaient que l’augmenter ; & j’etais pendant ce tems-là d’une pâleur mortelle ; Enfin il y a environ deux ans que j’eus une maladie, provenant de l’effet de ces couleurs qui fut si serieuse et si longue que tous les plus habiles médecins desésperaient de m’en voir tiré ; et tous en général ne connaissaient point la maladie dont j’étais atteint ; elle n’etait cependant causèe que par la poudre du verd de gris que je broyais.
Pour garantir les Broyeurs de cette maladie ; ils n’ont qu’à suivre le régime que je pratique ; il consiste 1.° á éteindre la [2 r] couleur dans L’huile avant que de la Broyer. 2.° il <fault [?]> faut que le Broyeur fasse usage du lait tous les matins ; lequel lait doit étre coupé avec de [l’herbe ?] Capillaire ou du chiendent ; moyennant ce, le Broyeur sera infailliblement bien portant, et jouira d’une parfaite santé. C’est ce que j’ai éprouvé, Messieurs, et depuis plus de deux ans que je mène ce regime de vie je me porte trés bien, et ai une couleur fleurie tout comme si je ne Broyais point. Ce que j’ai l’honneur de vous dire messie[urs] [est] trés vrai, et vous pouvés vous en convaincre en en faisan[t] [faire ?] par vous mêmes ou autres, L’experience.
Je suis trés-charmé que cette occasion me prouve l’avantage de vous témoigner Les Respectueux attachement avec lequel j’ai L’honneur d’être, Messieurs votre trés humble & trés obeissant Serviteur
// J.b Perny2Paraphe bouclé.
Mon adrèsse :
a M. M. Perny peintre
a Agde Bas Languedoc