Transcription
[1 r] Monsieur
M. Euler a reçu, avec un plaisir très sensible, la lettre qui lui a été remise, l’année passée, de Vôtre part, par M. Caillard, Secrétaire de l’Ambassade de France à nôtre Cour, et il se fait des reproches, d’avoir tardé trop longtemps, de répondre à cette marque de Vôtre amitié qui lui est si précieuse. En entendant la lecture de la feuille du Journal de Paris, qui contient la notice de sa visite auprès du Prince de Prusse, il n’a pû méconnoître la main, d’où elle étoit partie. Les expressions flatteuses, dictées par cette même amitié, lui en avoit annoncé l’Auteur ; et il a appris depuis par M. Lexell que c’est effectivement de Vôtre plume, qu’étoit sorti ce Panegyrique aussi achevé qu’il lui étoit inattendu. Il m’a chargé, Monsieur, [1 v] de Vous témoigner sa plus parfaite réconnoissance, pour l’honorable mention que Vous avés bien voulu faire de lui à cette occasion, aussi bien que pour ce que M. Caillard lui a apporté de Vôtre part ; et je m’acquitte avec d’autant plus de plaisir et d’empressement de cette Comission, que j’ai attendu avec une sorte d’impatience une pareille occasion, de Vous témoigner de nouveau, en mon particulier, le respect que je Vous porte, comme à un des premiers Géomètres, et la reconnoissance que je crois Vous devoir encore, pour les services que Vous avés daigné me rendre autrefois, tant avant qu’après le jugement de l’Académie Royale, touchant la question sur la perturbation des Comètes.
En parcourant les expériences qui ont été faites, il y a cinq ans, sous Vôtre direction & celle de MM. D’Alembert & Bossut, sur la résistance des fluides, j’avois taché de déduire une Théorie, plus conforme que les Hypothèses ordinaires pour le choc oblique, à la nature que Vous aviés consultée avec tant de sagacité ; mais j’ai bientôt senti que ce travail étoit au dessus de mes forces. Les entretiens que j’ai eus avec M. Euler sur ce sujet, [2 r] lui ont fourni l’occasion, d’y méditer lui même. En voilà le fruit, dans le petit mémoire ci-joint qu’il m’a chargé de Vous envoyer, en Vous priant de le présenter à l’Académie – Si Vous le jugés digne de son attention, ajoute la modestie du grand homme.
Le caractère de verité qu’on aperçoit dans l’expression de M. Euler pour la résistance de la proue, m’avoit engagé depuis à la comparer avec les expériences. J’y ajoutai pour cet effet le membre, , qui me parût devoir renfermer l’augmentation de la pression sur la proue causée par sa diminution sur la pouppe. Où marque l’angle au sommet d’un triangle isoscèle qui a la largeur du vaisseau pour base, et dont l’aire est égale à celle de la section horizontale de la pouppe. Mais après quelques tentatives infructueuses j’ai vu qu’il est impossible de déterminer d’une manière satisfaisante les valeurs des lettres [... ?] & à la fois. Il paroît donc nécessaire d’en chercher la premiere par des expériences, semblables à celles que M. Euler a ébauchées dans son mémoire. Je reprendrai ce sujet, si, après m’être débarassé de quelques autres traveaux [sic], je puis trouver moyen d’éviter les inconvéniens qui paroissent attachés [2 r] à l’instrument proposé pour cet effet.
M. Lexell qui a eu le bonheur de faire personellement Vôtre Connoissance et celle de tant d’autres hommes illustres, que je ne puis qu’admirer dans l’éloignement, aura probablement quitté Paris, avant que cette lettre y arrive. Si j’étois persuadé du contraire j’aurois pris la liberté d’ajouter quelques lignes pour lui sur un Théorème de Géomètrie qui lui a été proposé à Paris et qu’il nous a communiqué dernièrement.
Daignés agréer, Monsieur, les assurances de la haute estime et du très respectueux dévouement, avec lesquels j’ai l’honneur d’être, Monsieur, Vôtre très-humble & très-obéïssant serviteur.
Nicolas Fuss.
St Petersbourg.
Ce de Janvier 1781.