Transcription
[1 r] Monsieur,
Une infinité de Géometres, depuis bien des siècles, se succèdent en passant honteusement tout le tems de leur vie à la vaine recherche de la quadrature définie du cercle, dans la folle persuasion qu’il y a des récompenses considérables promises à ce sujet. Ils ont si fort ennuyé l’Académie de leurs prétendues démonstrations, que cette illustre société a pris enfin le parti de ne plus les recevoir.
Mais, comme, suivant la lettre de M. d’Alembert à M. de Vausenville et celle que M. Mauduit m’a écrite il y a deux mois, on ne connaît point encore de démonstration rigoureuse de l’impossibilité de quarrer le cercle, j’ai tout lieu de croire que l’Académie ne se refusera point à vouloir bien décider si, celle qui est dans mon mémoire, est rigoureuse, ou non ?
La charité philosophique, Monsieur, est le seul motif qui m’engage à vous prier de faire part de mon mémoire et de cette lettre à l’Académie. Je ne suis point quadrateur, je ne demande aucun prix, il serait même extravagant [1 v] d’en demander ; si des particuliers ou autres en avaient proposé à ce sujet, ce qui n’est pas, je les laisserais à ceux qui auraient fait des découvertes utiles au jugement de l’Académie. Quoique la résolution de ce problême ne puisse apporter aucun jour dans la Géometrie, je crois cependant que ma démonstration aurait cette utilité ; ce serait de rappeler à des occupations vraiment utiles, tous ces géometres qu’une fausse tradition de récompenses, promises à celui qui quarrerait le cercle, à séduits. Voilà le seul prix que j’ambitionne, c’est la satisfaction de voir approuver ma démonstration, à fin qu’elle produise cet effet.
Je suis avec respect, Monsieur, Votre tres humble et tres obéissant serviteur
Haillet de Longpré1Paraphe bouclé.
à Berne 23 juillet 1780.
Le Sr. Brolliet, hôtel de Sartine rue de Grammont, me fera passer votre réponse, si vous voulez bien m’en faire.