Transcription
[1 r] Citoyens,
J’ai cru devoir vous soumettre mon opinion sur le jugement de Louis XVI.
La convention nationale s’est reservée de le juger ; elle a craint les lenteurs qu’une autre forme aurait nécessairement entrainées. Elle a mieux aimé ne pas remettre en d’autres mains une fonction penible qui aux yeux des hommes timides pouvait encore paraitre dangereuse.
Obligée de prononcer elle même que Louis XVI etait jugeable, qu’il devait être jugé, elle n’a pas cru que la nature des faits sur les quels il restait ensuite a prononcer permit de jetter sur son impartialité, des doutes qui ne pussent avec autant de raison s’elever contre celle de tous les français.
D’ailleurs jusqu’ici dans les pieces qui éxistent rien n’annonce des projets contre tels ou tels de ses membres en particulier, et elle a jugé que les projets contre les deux assemblées nationales <confondues> confondus avec les projets contre la France entiere ne devaient pas écarter du jugement les membres de ces assemblées plus que les autres citoyens.
On a du prononcer que le ci devant Roi etait jugeable, on a du constater juridiquement les délits dont la nation entiere s’accorde à l’accuser.
Mais quant a la question si la justice serait exercée dans toute la rigueur que la loi établie rend legitime, la convention a consulté l’interêt national, et a pris le parti qu’il lui a paru éxiger d’elle. Enfin elle a voulu [1 v] (comme vous l’avez vû dans le decrêt quelle a rendu) conserver tout ce qui dans les formes judiciaires peut être regardé comme une consequence du droit naturel.
Les ennemis interieurs de la Republique, et les agens de <ces> ses ennemis exterieurs avaient fondé de grandes esperances sur la decision qui serait portée relativement au Roi, et quelqu’eut eté cette decision ils auraient egalement cherché à la faire servir a leurs projets et ils y auraient trouvé une facilité presque égale.
Parcourez toutes les suppositions et vous verrez que chacune offre des dangers et donne lieu a des soupçons. Mais le peuple français ne se laissera point égarer, il restera intimement uni a ses representans. Il sentira combien lorsque sa constitution n’existe pas encore lorsque le code de ses loix nouvelles est <imparfaite> imparfait, lorsque son gouvernement s’appelle provisoire, lorsque les rois sont conjurés contre lui, lorsque les amis de la liberté ne lui offrent au dehors que des alliés incertains ou faibles, il sentira combien dans des circonstances si difficiles l’unité de volonté et de forces est nécessaire au salut public, et il verra que c’est dans la convention nationale seule qu’il peut trouver ce centre <si nécessaire> |d’union et de force|.
Lorsque la convention a decreté l’unité de la republique française lorsque la nation entiere a souscrit à ce veu unanime, les citoyens n’ont pas cru ne s’attacher qu’à un mot, et des lors ils ont proscrit tout projet de federation entre des Departemens ou des villes qui detruirait l’unité pour y substituer l’anarchie. Et quelle anarchie celle-là même qui sous une federation semblable dechira la France pendant la ligue ? Car ces associations dont quelques [2 r] hommes osent parler encore, sont précisement ce que les ligueurs avaient substitué à une assemblée nationale qu’ils n’eussent pas eté surs de gouverner, et ce fut ce qui les perdit malgré la superiorité du nombre, des richesses et des alliances étrangeres.
L’interêt du peuple est donc de se tenir fortement |uni| à la convention, de l’encourager dans ses travaux, de resister à toutes les entreprises formées pour l’avilir, pour y semer la division, pour la rendre odieuse.
Voila ce que la juste confiance qu’il vous accorde, vous donne la facilité de lui inspirer et c’est-ce que j’ose vous demander pour le salut de la patrie, pour la conservation de la liberté et de l’egalité.
Condorcet1Paraphe soulignant.
a Paris le 11.xbre l’an 1.er de la Republique
[2 v] [Inscription allographe]