Transcription
[73 r] Paris ce 6. Mai 1784
Mon cher et illustre confrere, permettez-moi de vous temoigner d’abord quelque inquietude sur votre santé. M.e la Princesse Daschaw a écrit sur votre election a notre académie à M. le Duc de La Rochefoucauld et je viens de recevoir un éloge de M. Euler par M. Fuss sans aucune lettre de vous.
J’ignore à qui je dois cet eloge. Si c’est a l’auteur daignez vous charger de lui en faire mes remercimens. La partie scientifique m’a paru très bien traitée ; il est rempli de reflexions justes, de détails touchans, et d’une tendresse bien vraie pour le grand homme que nous avons perdu. Je dis que nous avons perdu, car je vous avouerai que je ne croiais pas que la perte d’un homme que je n’avais jamais vu put me faire autant de peine. Cet Éloge fait en six semaines, dans une langue étrangere est un ouvrage vraiment extraodinaire, et qui doit donner la plus haute idée des talens de M. Fuss.
[73 v] J’ai remis <ce> l’eloge|,| que je dois lire|,| à l’assemblée de Paques 1785, afin d’avoir plus de tems pour le mieux faire. J’aurai encore celui de recevoir de vos nouvelles. Daignez ajouter encore quelques détails a ce qu’a ecrit M. Fuss. Quel est le calcul dont il parle à la page 12 un travail qui a couté un œuil à Leonard Euler merite d’être connu quelqu’il puisse être. Je voudrais aussi plus de détail sur la page 69. Je n’ai qu’une idée confuse de ce dont on y parle. Si vous avez quelques anecdotes personelles, <quelques> si vous vous rappelez quelques mots qu’il ait dits, envoiès les moi, il suffira de les remettre à M. Caillard chargé des affaires de France, s’il est encore à Petersbourg, ou à son successeur ou a notre nouvel ambassadeur <q> s’il est arrivé lorsque vous aurez tout rassemblé.
M. de Verac m’a fait present d’une silhouette de M. Euler qu’on dit très ressemblante, mais n’existe-t-il pas de buste, de portrait de lui en Russie, ne pourrait-on pas en avoir une [74 r] copie pour l’academie des sciences qui serait tres flattée d’en orner sa salle. J’ai encore une grace á vous demander. M. Euler avait commencé un travail sur les machines aérostatiques, une copie de ce travail tel qu’il est, une copie figurée de la planche sur laquelle il a écrit son dernier calcul et qu’on dit conservée dans les salles de <vos académies> votre académie <m> seraient pour moi deux presens trés prétieux.
Voila bien des choses que je vous demande mon cher et illustre confrere, sans aucun titre pour les mériter que ma vénération pour la mémoire d’un maître que je n’ai jamais eu le bonheur de voir mais qui m’a donné des marques d’estime que je ne dois jamais oublier. Agreez, mon cher et illustre Confrere, les assurances de mon inviolable et respectueux Attachement.
Le Mis de Condorcet1Paraphe soulignant.
[74 v] [Adresse et marques postales]