Transcription
[1 r] Samedi 3 juin
Vous etes bien aimable, monsieur, d’avoir pensé à moi en arrivant, & je le merite, car j’ai bien pensé à vous depuis votre depart. Je vois que le Perroquet vous a tenu bonne compagnie . S’il est d’aussi grande ressource à Madame votre mere, vous lui aurez fait là un beau present. Nous parlons souvent de vous, mon secretaire et moi, et tant d’autres qui vous regrettent. Mes soins pour votre éducation s’etendent jusqu’a votre absence. Je vous recommande surtout de ne point manger vos levres ni vos ongles ; rien n’est plus indigeste, je l’ai ouï dire à un fameux medecin. Dites moi, je vous prie, si c’est à vous que j’ai l’obligation d’une lettre de mlle d’Ussé qui me remercie de ce que pendant votre absence, je lui enverrai des nouvelles, quoiqu’en verité je n’y aye jamais pensé. Je vous assure qu’elle vous regrettera, car certainement je ne pretends pas vous remplacer auprès d’elle. Autre avis pour votre éducation, et la remarque est [1 v] de mon secretaire, homme de grand goût, comme vous savez, et de grand exemple, et specialement chargé par mlle d’Ussé de vous former dans l’usage du monde. C’est quand vous parlez, de ne pas vous mettre le corps en deux, comme un Pretre qui dit le confiteor à l’autel. Si vous continuez, vous en direz quelque jour votre meâ culpâ. C’est mlle d’Ussé qui vous a donné cette mauvaise habitude pour lui parler de plus près. Il n’y a rien de nouveau depuis votre depart qu’une excellente lettre de Voltaire à mon secretaire. Vous verrez tout cela quelque jour, si vous laissez pousser vos ongles, et si vous vous tenez droit en parlant. Je vous recommande aussi vos oreilles qui sont toujours pleines de poudre, et vos cheveux qui sont coupés si près de votre tête ou occiput, qu’a la fin vous aurez la tête trop près du bonnet. A dieu, monsieur, mon secretaire vous embrasse de tout son cœur, et fait, comme vous voyez, de grands frais pour vous.
[2 r vierge]
[2 v] [Adresse et tarif postal]