Transcription
[17 r] à Berlin ce 1 10bre 1772.
Je vous dois deux reponses, mon cher et illustre Ami, l'une à la lettre du 22 Juillet et l'autre a celle du 29 8bre ; je suis tout honteux de ne m'etre pas acquitté plutot de ce double devoir. je vous remercie bien sincerement du suffrage que vous voulez bien accorder à mes recherches sur les tautochrones, et sur les equations. J'ai examiné la demonstration donnée par M. Fontaine du theoreme sur les fonctions homogenes, et je la trouve en effet un peu louche; voici ce me semble de quelle maniere on pourrait la presenter, en partant toujours du meme principe. etant la fonction homogene de , , , etc. il faudra qu'en y mettant , , , etc. à la place de ces variables, elle devienne , étant la dimension de la fonction, et un cœficient quelconque ; mettons à la place de , et regardons comme infiniment petit, la fonction deviendra d'un coté et de l’autre ; donc Je serais bien curieux [17 v] de lire le precis historique que vous avez fait de sa vie ; si vous le faites imprimer je vous prie de ne me pas oublier. cet ecrit doit m'interesser doublement et parcequ'il vient de vous, et parcequ'il regarde un homme dont la memoire me sera toujours chere, quoiqu'il en ait usé en dernier lieu avec moi d'une maniere peu honete ; j’ai fait depuis longtems bien des recherches relatives a sa theorie des equations, et je crois pouvoir demontrer qu'elle ne s'etend pas au dela du quatrieme degré, qui parait etre le non plus ultra dans cette matiere ; j'en ferai quelque jour le sujet d'un Memoire pour notre Academie. La suite de mes recherches sur les equations est sous presse ; je vous demande d'avance pour celles-ci la meme indulgence que vous avez eue pour les premieres. Je me suis occupé beaucoup, il y a quelque tems, des equations aux différences partielles, et vous jugez bien que j'ai fait mon profit de vos Memoires remplis d'idées et de vues très interessantes ; mais d'autres recherches etant venues à la traverse, j'ai ete obligé de remettre a un [18 r] autre tems la continuation de ce travail ; c'est ce qui me fait encore differer de vous communiquer les remarques que j'ai faites sur quelques points de vos memoires ; il faut que j'attende pour cela que j'aye repris le fil de mes idées ; en attendant je serais charmé de lire la suite de vos recherches ; peut etre meme qu'elle rendra mes remarques inutiles. Je suis maintenant après la question de l'acceleration de la Lune, je trouve des resultats singuliers, et qui peuvent meriter l'attention des Geometres et des Astronomes ; je compte envoyer mes recherches pour le concours si rien ne s'y oppose. Je souhaiterais bien qu'il nous vînt de chez vous une bonne piece pour le prix sur la theorie des Cometes. quoique la partie qui regarde les perturbations soit tout à fait etrangere a la question proposée, l'auteur peut etre assuré que l'Academie aura egard à ce surcroit de travail dans son jugement ; cependant il me semble que la question en elle meme renferme deja assez de difficultés pour qu'on ne soit pas tenté d'y en ajouter de nouvelles. On demande simplement une methode analitique [18 v] et un peu praticable pour determiner l'orbite d'une comete par les observations, en |la| supposant elliptique, ou meme seulement parabolique. Vous savez que Newton, Fontaine, Euler, etc., ont echoué dans la solution de ce probleme, qui est un des plus importans de l'Astronomie ; ce dernier nous a donné dernierement un grand ouvrage sur cette matiere, mais nous n'en sommes guerez plus avancés ; et les Astronomes sont toujours reduits à employer des paraboles de carton pour trouver les premieres determinations approchées.
Dites moi comment va l'affaire du Secretariat ; je souhaite de tout mon cœur qu'elle reussisse, tant pour votre satisfaction que pour l'avantage du corps auquel j'ai maintenant l'honneur d'appartenir. Si le Mis Caraccioli est a Paris, et que vous ayez occasion de le voir je vous prie de l'assurer de mon attachement et de mon respect. je vous prie aussi de donner de mes nouvelles à M. d'Alembert : je lui ai ecrit il y a environ un mois par la voie de M. Michelet, je compte que ma lettre lui aura été rendue ; en attendant sa reponse je vous prie de lui faire mille tendres complimens de ma part.
Je vous embrasse de tout mon cœur ; vous savez combien je vous suis attaché et combien je fais de cas de votre amitié.