Transcription
[1 r] Monsieur mon cher Confrère
La Reine a depuis peu de temps fait acquisition d’une petite figure de femme automate de dix huit ou vingt pouces de hauteur, qui joue et éxécute tres bien différents airs de musique sur une espèce de Timpanon en forme de petit clavecin. Cette figure, dont les traits, les proportions et les ajustements sont fort élégants, frape en mesure les différentes cordes de l’instrument avec deux petits marteaux de Metal, qu’elle tient [1 v] dans ses mains, qui se meuvent avec beaucoup de justesse et de précision. Elle a dailleurs en éxécutant les airs, des mouvements de tète, et une sorte d’expression variée dans ses yeux et dans ses régards, qui sont très agréables, et qui font une illusion surprenante. Elle est assise sur un siége posé sur une table d’un bois superbe, qui supporte aussi le timpanon ; et tout le mécanisme est renfermé et caché dans l’épaisseur de la table.
Cette machine a été construite en Allemagne exprès pour la Reine par des artistes habiles, qui ont déja fait pour le Roi de France un tres grand secretaire à secrets d’une perfection de travail étonnante, et d’autres ouvrages.
[2 r] La Reine desireroit, que cette figure automate fut éxaminée par quelques persones de l’Academie des Sciences ; et si on la jugeoit digne d’ètre placée dans le cabinet des Machines de cette compagnie, Sa Majesté seroit disposée à en faire présent à l’Académie.
La Reine m’autorise, Monsieur, à vous écrire, afin que dans une de nos assemblées vous fassiez part de ce que j’ay l’honeur de vous mander.
La machine sera transportée et déposée chés moi Dimanche ou Lundi. Si Messieurs nos confrères, qui viendront à Versailles, vouloient bien choisir jeudi de la semaine prochaine, je les prierois de me faire l’honeur de diner chés moi.
[2 v] Il suffiroit d’arriver seulement pour l’heure du diné ; parce que l’éxamen de la machine n’exige que peu de temps
Je suis avec un attachement sincere et respectueux, Monsieur Mon cher Confrere, Votre tres humble et tres obéissant serviteur
Lassone1Paraphe bouclé.
A Versailles
4. Mars. 1785.
Je vous prie de me faire une réponse qui m’instruise du jour où deux ou trois de nos Confrères viendront, si l’Academie le juge à propos.